Suite à mes innombrables candidatures spontanées et réponses à offres, comme je vous l’expliquais dans ce post, j’avais donc fini par décrocher un CDD à 20h par semaine en tant qu’agente administrative dans une agence Pôle emploi de mon département.
Il s’agissait d’un contrat aidé (CUI-CAE) d’une durée de 1 an.
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Bouche-trou de service
Mes tâches, sur le papier, consistaient à assurer l’accueil de 1re ligne et à apporter un soutien administratif à l’équipe qui se chargeait des secteurs commerce et agriculture.
En gros, j’accueillais les demandeurs d’emploi dès leur arrivée dans l’agence (en les orientant, en leur montrant comment faire leurs recherches sur les ordis, etc.) sur 4 demi-journées, et je faisais du backoffice sur 1 journée, soit le vendredi (si je me souviens bien).
Bien sûr, le plus intéressant pour moi n’était pas de me farcir, une fois de plus, de l’accueil, mais de bosser en backoffice.
Malheureusement, je me suis vite rendu compte que j’étais le bouche-trou de service : il est arrivé qu’on me fasse assurer, tout le vendredi (qui était pourtant ma journée backoffice), l’accueil de 1re ligne parce qu’il y avait des absents et qu’ils ne trouvaient personne d’autre qui fasse le sale boulot.
Une fois, on est également venue me chercher dans le bureau où je bossais, m’interrompant ainsi dans mes tâches, pour que j’aille à l’accueil expliquer à un demandeur d’emploi comment créer son espace perso (ce qu’au final il n’a pas voulu faire car apparemment « on » lui avait plus ou moins forcé la main pour cela). Donc en gros on est venu me déranger… pour rien !
Franchement ça me gonflait d’être désignée à chaque fois pour jouer les préposées à l’accueil quand j’étais censée bosser peinarde dans un bureau, à faire des tâches beaucoup plus intéressantes pour moi et beaucoup plus « en lien avec mon projet professionnel » (c’est ce qu’on est censé faire en contrat aidé, quand même !).
Bref j’avais donc gueulé et ma cheffe de service, qui bien entendu n’était jamais là les jours où on sollicitait cette brave Skyler pour se taper l’accueil, a fait en sorte que ça ne se reproduise plus.
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Cassos de service
Je ne sais pas si c’est dans toutes les boîtes pareil, mais dans ce Pôle emploi, les agents en contrats aidés (on était 3) étaient systématiquement considérés comme des gros cassos de base, qui ne savaient rien faire de leurs 10 doigts.
Alors que je sortais d’une formation de secrétaire assistante avec un niveau expert en Word et Excel, ma cheffe de service était hyper surprise que je soie capable de faire un organigramme avec un traitement de texte, ou que j’aie l’idée « fabuleuse » de faire des listes de noms avec des petites cases à cocher, le tout imprimé sur du papier autocollant, pour en faire des étiquettes à coller sur les boîtes d’archives…
Je sais pas moi, mais faut pas être Einstein pour trouver ça…

De plus, étant donné qu’on était systématiquement des gros-nuls-incapables-sinon-on-ne-serait-pas-éligibles-aux-contrats-aidés, on avait un accès hyper restreint au niveau informatique : on ne pouvait que consulter les dossiers des demandeurs d’emploi, on n’avait pas de droits pour y opérer la moindre modification, d’ailleurs on n’avait pas non plus accès aux offres d’emploi…
Donc en fait, quand je faisais du backoffice, j’étais obligée de me connecter sur la session d’une collègue absente pour pouvoir bosser…
Great !
Ce qui me confortait dans l’idée que les CUI-CAE n’étaient là que pour que Pôle emploi touche ses petites subventions et ait à disposition ses bouche-trous pour faire le sale boulot à la place des autres…
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De la poudre de perlimpinpin
Quand on voit ce qui est indiqué sur le papier concernant la particularité de ce type de contrats et ce qui est fait en réalité, il y a de quoi rire jaune. Voici ce qu’on trouve sur le site du ministère :
« Le salarié embauché en CUI-CAE doit bénéficier d’au moins une action d’accompagnement et une action de formation.
Pendant la durée du contrat, l’employeur s’engage à mettre en œuvre les actions prévues dans la demande d’aide (formation, accompagnement, VAE…) favorisant l’accès rapide à un emploi durable (CDI ou CDD de plus de six mois).
En fin de contrat, l’employeur doit établir une attestation d’expérience professionnelle et la remettre au salarié 1 mois avant la fin du CAE. »
Paragraphe 1 – Alors déjà, ne croyez pas, comme je le fis jadis, que l’« action de formation » dont il est question soit une formation pour exercer le métier que l’on vise. À cette époque, je caressais toujours ce doux rêve de devenir secrétaire de formation (d’où la corrélation avec un contrat aidé dans un Pôle emploi, qui propose entre autres — et soi-disant — tout un panel de formations). J’ai été bien déçue lorsqu’on m’a expliqué, dès mon premier jour, que cette action de formation de mes 2 allait consister à m’envoyer à Lyon sur 3 jours (bien sûr sans me demander mon avis), avec d’autres CUI-CAE, pour être formée sur… (roulements de tambours) les valeurs de Pôle emploi ! Youhou !
D’une, ça me faisait chier de devoir m’arranger pour m’absenter 3 jours, sachant que j’ai un enfant scolarisé et un conjoint cuistot qui fait des horaires décalés (heureusement que les beaux-parents étaient dispos pour gérer la petite), de deux, j’aurais préféré me casser le cul, justement, à m’arranger, pour faire une formation utile à mon projet pro (je sais pas moi, être formée aux différents dispositifs de formations professionnelles, par exemple, ç’aurait pas été du luxe), que pour suivre 3 jours de baratin sur les pseudo-valeurs de Pôpole !
Et quand je dis « baratin », jugez par vous-mêmes :
- pas d’offres discriminatoires (que celui ou celle qui n’est jamais tombé(e) sur « excellente présentation » dans une offre de style hôtesse lève le doigt. Alors je sais que ça peut vouloir dire qu’il faut être bien habillée, mais on sait tous ce qui se cache derrière ces 2 mots : en gros, t’es moche, t’as aucune chance…) ;
- pas d’offres douteuses… Là je crois que j’ai même pas besoin de citer d’exemples tant les offres d’arnaques que même un enrhumé peut flairer à 3 km sont nombreuses sur le site de Pôle emploi…
- etc.
Enfin, au moins, l’ambiance entre « cassos » était sympa, c’est déjà ça !
Paragraphe 2 – Certes, je n’ai pas fait mon CUI jusqu’au bout (mais ça, devinez quoi ? Je vous en parlerai dans un prochain post ! Hé hé !), mais j’y suis quand même restée 3 mois, soit 1/4 de la durée prévue du contrat. Eh bien à aucun moment n’a été évoquée la possibilité pour moi de faire une formation pendant mon contrat pour trouver plus facilement un emploi de secrétaire de formation. À mon premier jour, un éventuel accompagnement a été évoqué, mais ensuite, silence radio ! De toute façon, je ne vois pas quand j’aurais eu le temps de faire ça, en tant que bouche-trou de service !

Paragraphe 3 – Ah cette fameuse attestation, ça oui je l’ai eue ! Ce n’est rien d’autre qu’un papelard inutile et mensonger, qui redit ce qu’on a fait en enjolivant bien les tâches accomplies et en en inventant d’autres ! Je l’ai d’ailleurs retrouvé, et faute de pouvoir vous le scanner (pour des raisons technico-flemmardes), je vais vous recopier ce qu’ils avaient mis :
« Activités confiées :
- Aide à l’animation de la zone de libre accès (AZLA).
- Appui administratif à l’agence : gestion de l’archivage, prise de notes lors des réunions de service, élaboration de comptes-rendus, traitement du courrier…
- Appui administratif à l’équipe Agricom : mise en forme de fiches internes, mise en forme d’un organigramme, travaux bureautiques divers, mise sous pli, publipostages… »
Alors en magenta, je vous ai mis ce qui a été enjolivé : « animation », ouais, si pour eux dire « bonjour, au revoir » c’est de l’animation… Quant aux fameuses prises de notes pendant les réunions, ce n’était ni plus ni moins que des petits griffonnages à la con (éléphants, araignées et compagnie) étant donné que je me faisais chier comme un rat mort dans ces réunions pour lesquelles je ne me sentais pas du tout concernée…
Et en vert, vous trouverez les mensonges, c’est-à-dire des tâches que je n’ai accomplies à aucun moment lors de mon CUI : je n’ai jamais établi aucun compte-rendu (et heureusement parce que c’est chiant), je ne sais même pas ce que sont ces « fiches internes », à aucun moment je n’ai fait de mise sous pli, quant au publipostage, on n’aurait jamais osé me le demander vu qu’on était déjà étonné que je sache me servir d’un ordinateur…
Bref, pour reprendre une expression chère à notre Empereur, ces contrats aidés, c’est tout bonnement de la « poudre de perlimpinpin »…

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Tentative d’arnaque
Pour couronner le tout, Pôle emploi a essayé de m’arnaquer en refusant de me payer toutes mes heures !
Je vous explique : la formation de 3 jours m’a valu des heures dénommées « temps de trajet » et « récup temps partiel ». Ces heures étaient à récupérer en posant des jours de congés, en plus des jours de congés qu’on avait déjà acquis.
Le souci fut que, la raison qui m’a fait stopper mon CUI ayant été inattendue, je n’ai pas eu le temps de poser ces jours de récup avant de partir, et du coup, j’ai logiquement demandé à ce que ces heures me soient payées.
Figurez-vous que la Direction Régionale de Pôle emploi, qui est tout de même censée être garante du respect du droit du travail, refusait de lâcher la thune !

Je ne me suis pas laissée faire : j’ai contacté la DIRECCTE par téléphone (et par mail pour garder une trace écrite), en leur expliquant mon souci. Déjà, ils m’ont dit que ces heures devraient être payées systématiquement et non pas récupérées, et que la direction de popôle devait raquer.
J’ai donc envoyé un courrier RAR pour enjoindre Pôle emploi à me payer mes heures de récup, leur précisant bien sûr que j’avais pris contact avec la DIRECCTE.
Et là, ils se sont enfin décidés à payer…
C’est quand même dingue que Pôle emploi eux-mêmes ne respectent pas les droits de leurs propres salariés… Comment voulez-vous alors qu’ils fassent en sorte que les droits des chômeurs en contrats précaires soient respectés à leur tour ???
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Quand même un peu de positif dans tout ça…
Eh oui, il y a eu quand même une once de positif dans ce contrat : déjà, j’ai rencontré des collègues super sympas, loin des clichés de conseillers nuls qui n’en ont rien à foutre (car non, ils ne sont pas tous comme ça et heureusement !). J’ai remarqué que ces conseillers-là étaient investis dans leur travail, et compréhensifs avec les demandeurs d’emploi : par exemple, ils ne faisaient pas chier une mère de famille qui élève seule ses gosses en lui imposant des CDD courts car ils savaient que c’est galère pour trouver une nounou aussi vite et pour si peu de temps…
J’ai même trouvé un peu de positif quand j’assurais (pardon : j’animais) l’accueil : c’était à l’époque où le géant suédois du meuble en kit allait ouvrir dans le coin, et le recrutement était assuré par l’agence où je bossais. Du coup, j’ai aidé plusieurs demandeurs d’emploi dans la rédaction de leurs candidatures, tenant un peu un rôle d’écrivain public…
Bon j’ai aussi eu droit, en voulant me montrer compatissante, à « mais vous savez pas ce que c’est, vous, le chômage » mais la bonne femme qui m’a sorti ça s’est vite ravisée quand je lui ai expliqué que j’étais en CUI à 20h au SMIC avec un trajet de 45 min et aucune perspective d’emploi durable derrière…
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Conclusion de tout ça
Je ne peux pas conclure ce post sans exprimer mon écœurement face à tout ça : écœurement quand je constate les idées reçues comme quoi t’es en contrat aidé = t’es une cassos qui sait pas se débrouiller (on ne me l’a jamais dit en face mais pas besoin : on a vite fait de le comprendre dès les 1ers jours après l’embauche) ; écœurement quant aux différences entre ce qui est écrit sur le papier et ce qui est fait réellement pendant ces contrats ; mais aussi et surtout, écœurement de constater tout le fric gaspillé par Pôle emploi pour nous envoyer en formation de 3 jours avec hôtel 4 étoiles, TER 1re classe et resto, le tout pour passer son temps à écouter des conneries qui ne sont jamais appliquées…
Et après ça, ce même Pôle emploi ose sortir aux chômeurs qu’il n’y a pas de sous pour leur payer des formations…
Ben voyons !
C’est en stage que ça m’est arrivé. Je ne sais plus ce que j’avais fait sur Excel. Ca avait impressionné tout le monde, comme si on découvrait que je savais faire des choses. Ben oui, on me permettrait de faire autre chose que du classement parfois, je saurais même en faire plus, mais bon voilà quoi.
Pour les contrats aidés, il n’y a pas que durant le contrat que ça impacte. En plus, celui que j’ai fait était dans le ménage, métier peu considéré, les employeurs sont pas cons et connaissent le marché (surtout sur mon secteur), ils voyaient ce poste sur mon CV ils savaient direct que c’était un contrat aidé. Ne peu rien faire d’autre que du ménage et cas soc en plus. Hop.
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non mais c’est fou quand même, encore ya 20 ans de ça, qu’une personne au chômage ou en stage ne sache pas trop se servir de l’informatique, OK, mais là on est quand même dans les années 2010, alors il serait temps que les gens arrêtent de croire que ceux qui n’ont pas d’emploi stable ne savent pas se servir d’un ordi !
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Bonjour à tous j’ai suivi un CUI CAE pendant 1 ans dans une cantine scolaire et garderie mon contrat ne sera pas renouveler. J’ai le sentiment de m’être trop donné. Pour au final n’avoir rien du tous et surtout avoir servi de bouche-trou. Quand il y avait des tâches difficile qui on appelait quand il y avait des absents qui en a plein. Franchement contrat aidé c’est de la merde
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Je suis entièrement d’accord ! Quel que soit l’endroit où on exerce ces contrats, outre la précarité (20h par semaine au SMIC, merci…), le fait que contrairement aux promesses faites ça n’ouvre absolument aucune perspective d’embauche et le fait qu’on soit catalogués « cassos », ces contrats ne sont qu’une manière pour les boîtes de se trouver des bouche-trous de service pour se farcir tout le sale boulot…
Merci pour ton témoignage en tout cas ! 🙂
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