Un homme à l’écharpe rouge a osé dire un jour que la réforme de l’assurance chômage, présentée le 18 juin par Philippe et Pénicaud, ne serait « pas assez efficace, car […] pas assez violent[e], tout simplement. »
Le même homme à l’écharpe rouge a osé dire le même jour, au sujet de la même réforme, qu’« on considère que le droit au travail, c’est le droit de choisir son travail », et que « c’est pour ça qu’en France on n’arrive pas à régler ce problème du chômage de masse ».
(source : Les Inrocks)
Mais qui est cet homme ? Est-ce un spécialiste du chômage ? Un conseiller Pôle emploi ? Un ancien ministre chargé de l’emploi ? Un chômeur ou ancien chômeur ? Un ouvrier qui bosse dur en usine pour un SMIC ? Un urgentiste au bout du rouleau ? Un père de famille qui doit jongler entre une vie professionnelle pas folichonne et sa vie de famille ?
Cet homme à l’écharpe rouge n’est rien de tout cela. C’est un éditorialiste de BFMTV qui se contente de donner son avis sur des questions qui ne le regardent ou ne le concernent absolument pas, sans aucun travail de fonds en amont afin d’être le plus objectif possible.

Ah, et j’oubliais : il a également dirigé le journal L’Express jusqu’en 2014, qui peut le remercier pour les 86 millions d’euros de déficit qu’il aura causés et, par conséquent, pour le licenciement de 125 de ses salariés.
Donc, cet homme est-il légitime pour donner le moindre avis sur la question du chômage ? Je ne pense pas ! Je pense plutôt qu’il est bien placé pour la fermer !
Que dit la réforme ?
Principal point touché par cette fameuse réforme : les droits au chômage des demandeurs d’emploi.
En effet, là où jusqu’à maintenant une personne au chômage avait besoin de travailler ou d’avoir travaillé 4 mois sur les 28 mois passés pour bénéficier des allocations chômage, il lui faudra désormais justifier de 6 mois de turbin sur seulement 2 ans pour y avoir droit.
Et ce n’est pas tout !
Pour prolonger la durée de son alloc, cette personne devra bosser à nouveau 6 mois, et non plus 1.
Faisons le test !
Prenons un exemple concret : admettons que je sois au chômage et que je recherche un emploi d’assistante administrative dans mon département (bien entendu ce n’est pas le poste que je recherche en vrai pour me casser de ma boîte mais avec « édition » je n’avais que 2 offres complètement à côté de la plaque, je n’aurais donc pas pu aller jusqu’au bout de mon exemple).
Je vais, selon le réflexe le plus naturel du monde, sur le site de Pôle emploi.
Avec pour seuls critères « assistant administratif » et mon département, j’obtiens 157 résultats. Eh ben, du boulot, yen a ! Non ?
Regardons ces offres plus en détail :
1 – j’élimine toutes celles dont l’intitulé ne correspond pas du tout au poste (assistant ménager, commercial sédentaire, employé commercial et j’en passe) ; – 36. Il m’en reste 121.
2 – j’élimine toutes les offres proposant des emplois trop éloignés géographiquement (et encore je vois large) ; – 22. Il m’en reste 99.
3 – j’élimine toutes les offres demandant une spécialisation que je n’ai pas et que je ne souhaite pas acquérir (secrétaire médicale par exemple) ; – 27. Il m’en reste 72.
4 – maintenant, j’élimine toutes les offres correspondant à des contrats de moins de 6 mois ; – 18. Il m’en reste 54.
5 – soyons un peu réalistes : ce n’est pas à mon âge qu’un patron m’acceptera en alternance (et vous savez très bien pourquoi) ; j’élimine donc toutes les offres concernant ce type de contrats, qui ne sont de toute façon pas réellement des offres d’emplois mais plutôt une manière pour les centres de formations d’attirer une éventuelle clientèle naïve ; – 20. Il m’en reste 34.
6 – Tous les contrats en dessous de 24h par semaine ne permettent pas de vivre, à moins d’être très bien payés, ce qui n’est jamais le cas pour ce type de postes ; – 2. Il m’en reste 32.
7 – Après ce dégraissage, allons maintenant dans le détail des offres, et supprimons celles où une expérience, un diplôme ou des compétences que je n’ai pas sont exigés ; – 20. Il m’en reste 12.
8 – Vous le savez, je déteste le téléphone. Faire un peu d’accueil téléphonique, à la limite, je veux bien, mais ne faire que ça toute la journée, c’est niet ; – 4. Il m’en reste 8.
9 – Me voilà avec 8 offres d’emploi susceptibles de me convenir. Techniquement. Mais, au final, seules 2 d’entre elles me plairaient : Technicienne en gestion administrative à l’université (gestion administrative des cours du soir) et Office manager (tâches intéressantes de communication). Les autres offres sont toutes des postes d’assistanat commercial… Bof quoi… Mais bon, peut-on se permettre, quand on est au chômage, de refuser de postuler à une offre juste parce que le poste est « bof » ?
Donc, même sans faire ma « difficile », je me retrouve avec seulement 8 offres d’emplois. Dans l’hypothèse où j’y postule, il faut ensuite que ma candidature passe le 1er barrage (bot ou humain) de sélection pour que je fasse partie de la poignée de chanceux convoqués en entretien. Enfin, il faut que je sois LA candidate idéale au poste pour être prise. Et après tout ça, je pourrai souffler en me disant « c’est bon, j’aurai droit à mes allocs chômage ! » ou « c’est bon, je vais pouvoir repousser la date de fin de mes allocs chômage ! ». Traduction : « c’est bon, je vais pas me retrouver sans le sou pour payer mon loyer ! »…
Cette petite expérience nous aura montré, même si nous le savions déjà, qu’il est aujourd’hui compliqué de décrocher ne serait-ce qu’un contrat de 6 mois. Donc je trouve pour ma part, contrairement à l’homme à l’écharpe rouge, que la réforme annoncée est déjà bien assez violente car, comme un ouragan qu’est passé sur moi, l’amour a tout emporté, elle va détruire des vies en jetant des gens à la rue…
Choisir son travail
En me livrant à la petite expérience ci-dessus, j’ai commis une erreur : j’ai indiqué un emploi dans mes critères de recherche sur le site de Pôle emploi alors que, l’homme à l’écharpe rouge l’a si finement analysé, c’est justement parce que les chômeurs français croient qu’ils ont le droit de « choisir [leur] travail […] qu’en France on n’arrive pas à régler ce problème du chômage de masse ».
Soit. Je vais donc réessayer avec pour seul critère le département.
J’obtiens 6 167 offres. Bon je vous épargne le détail du tri (CDD de 6 mois minimum ou CDI, pas d’alternance, 24h minimum par semaine, éloignement géographique, etc.) qui risque de me prendre un temps fou, le site de Popôle n’offrant hélas pas la possibilité d’indiquer l’expérience dans les critères de recherches…
J’ai quand même regardé quelques offres, rapidement, et disons qu’en tant que débutante dans un nouveau métier je peux postuler comme :
- Collectrice de fonds (qui consiste à collecter les loyers dans un centre de formation qui propose l’hébergement). Donc être confrontée à des mauvais payeurs et à des plaintes de stagiaires mécontents de leurs chambres. Chouette.
- Femme de chambre (encore que : ils demandent de connaître certaines normes d’hygiène strictes dans l’hôtellerie…).
- Vendeuse en bijouterie (rester debout toute la journée, si possible sur des talons hauts, à supporter des clients qu’aujourd’hui je n’ai plus la force de supporter, pour vendre des bijoux, le truc qui me passionne quoi…).
- Vendeuse en lingerie dans un EHPAD (je vous jure que c’est pas une blague). Prochaine étape : les sextoys ?
- Manutentionnaire (bonjour les tâches répétitives).
- Équipière polyvalente chez Lidl (mon rêve : retourner bosser dans la grande distrib… ô joie…).
- Préparatrice de sandwiches (ou comment augmenter le nombre de décès par intoxications alimentaires dans le coin).
- Etc.
Bref, vous l’aurez compris, quand on ne choisit pas son métier, non seulement on a une belle carrière qui nous attend (forcément dans les jobs « débutants acceptés » de secteurs en tension, donc des jobs de rêve), mais encore faut-il être embauché, car même dans ces tafs, il y aura toujours une concurrence de personnes expérimentées… Sans compter la perspective de consacrer 35h de ses semaines à exercer un métier qui ne nous plaît pas et ne nous motive pas…
De plus, ne trouvez-vous pas que de tels propos venant d’un pseudo-journaleux qui n’a sans doute jamais connu le chômage ou les petits jobs au SMIC sont plus que déplacés ?
Choisir son travail, c’est quand même la base de tout, non ? C’est pour cela qu’on se lance dans des études, des formations professionnelles, c’est même pour cela que certains vont s’endetter dans des prêts étudiants ou des formations privées prestigieuses et coûteuses !
Déjà que même en choisissant on est parfois déçu…
Qui n’a jamais dit, quand il était gosse, « moi quand j’serai grand(e) je serai … (indiquer ici un nom de métier) » ? L’homme à l’écharpe rouge n’a-t-il lui-même jamais prononcé un tel vœu quand il était encore marmot ?
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Je pense qu’il ne nous reste plus, après ce long pamphlet, qu’à laisser ce journaleux dans son coin et à ne plus prêter attention à ses propos scandaleux dont il est un habitué* et dont le seul but est de créer un buzz, puisse-t-il s’étrangler avec son écharpe (ou se retrouver au chômage pour voir ce que ça fait d’être de l’autre côté du décor).
* Voici quelques-unes de ses « meilleures » déclarations :
« Et au passage, si d’un seul coup on dit ‘les femmes sont payées comme les hommes’,tout le monde va applaudir mais les entreprises vont avoir beaucoup de mal à encaisser ce surcoût de main-d’œuvre. » Source : Marianne
« Nous nous sommes offerts en 1981, une cinquième semaine de congés payés. Mais il serait temps, aujourd’hui, que les Français renoncent d’eux-mêmes à cette cinquième semaine. Quatre semaines de vacances et on supprime aussi les RTT. » Source : L’Express
« L’éditorialiste est un tuteur sur lequel le peuple, comme du lierre rampant, peut s’élever. » Source : Huffpost
Comme toujours ceux qui nous donnent des leçons sont très bien placés pour le faire…
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c’est tellement ça !
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https://rmc.bfmtv.com/mediaplayer/video/pourquoi-il-faudrait-renoncer-a-la-5e-semaine-de-conges-payes-selon-christophe-barbier-1069765.html
Pour rappel, sous Hollande, il affirmait qu’il était bon de se reposer pendant les vacances pour revenir en pleine forme. Il change d’avis plus souvent que d’écharpe.
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